Les 1231 critiques de Thierry Bellefroid sur Bd Paradisio...

L'échine du dragon (Moréa) par Thierry Bellefroid
« L'échine du dragon », tome 2 de Moréa, par Arleston et Labrosse. Chez Soleil.

Moréa reste assez éloignée des autres séries qu'anime Arleston. Elle n'est pas pour autant dénuée d'intérêt, loin de là. Au contraire, même, on a l'impression qu'elle bonifie avec l'âge. Le premier album se donnait des allures de Largo Winch du futur. Le second est plus original sans perdre son souffle ni vendre son âme. Le dessin de Labrosse a beaucoup progressé entre les deux, ce qui ne gâche rien. Résultat, Moréa et son ange gardien le chevalier Terkio, s'en vont se jeter dans la gueule du loup à Miami, dans ce pays qui est devenu une dictature religieuse rétrograde et qui ne respecte rien de ce qui vient de l'étranger (pas même les avocats) : les Etats-Unis. Beaucoup d'humour, de l'action, des rebondissements, Arleston nous propose là un délassement de vacances comme on les aime.
Pascin - tome 6 (Pascin) par Thierry Bellefroid
« Pascin » tome 6 par Joann Sfar. A L'Association.

De moins en moins romancée, de plus en plus imaginaire, cette biographie du peintre Pascin. Et surtout, de plus en plus érotique. Même si le sexe y a toujours été l'un des éléments centraux, Joann Sfar ne parle cette fois presque de rien d'autre. La peinture, ce n'est plus le souci principal de Pascin, ici. Au contraire, il faut beaucoup de persuasion à Lucy pour le pousser encore à prendre ses pinceaux. Sfar, en revanche, ne se fait pas prier. Son dessin totalement libéré flirte même durant quelques pages avec le tachisme. Ça sent les après-midi de dessin libre sur des cartons de bière, les exercices de défoulement entre un Grand et un Petit Vampire.
Sfar se lâche, c'est trash, c'est cru, c'est fort. Il ose tout, jusqu'à la non-traduction de plusieurs pages de conversation en anglais entre Pascin et un bel américain à qui le peintre aimerait apprendre les vertus du sexe « à la française ». Bisexuel mais pas avec n'importe qui, le Pascin, puisqu'il repousse les assauts pleins d'humour d'un autre homme juste après, ce qui nous vaut une page et demie de dialogues magistraux. Et d'expliquer ensuite la raison qui le pousse à faire l'amour avec des hommes : face à eux, au moins, il ne souffre pas de la comparaison avec son père.
Alors qu'on atteint presque les deux cents pages, cette oeuvre réalisée sans filet et sans tabou bouscule les plus audacieuses BD dites « modernes ». Sfar y apporte la preuve qu'on peut tout montrer, tout dire... à condition d'avoir du talent. Et bon dieu, qu'est-ce qu'il en a !
Farniente par Thierry Bellefroid
« Farniente », par Lewis Trondheim et Dominique Hérody. A L'Association.

Quand on y pense, une bonne BD, c'est d'abord le mélange réussi d'un bon dessinateur et d'un dialoguiste de talent. Normalement, tout ce qui fait « l'écriture » dans le roman y est remplacé par le dessin -même si certains ont évidemment recours à la voix off (sans aller jusqu'à l'overdose genre « Blake et Mortimer »...). Ici, la mise en scène est épurée à l'extrême et toute précision serait inutile au lecteur. Pas besoin de savoir où ça se passe, on s'en fout. Une plage, le bord d'une piscine, n'importe laquelle, un couple qui a déjà quelques heures de vol, dont l'homme et la femme se connaissent par coeur, se jaugent, se lancent de petites compétitions... C'est cela que Lewis Trondheim est parvenu à rendre avec brio dans ces saynètes à la fois drôles, caustiques et si finement observées. Dominque Hérody leur donne vie, sans en faire trop, juste du bout des doigts. Et c'est très bien comme ça.
L'étrange refuge (Tongue Lash) par Thierry Bellefroid
Je viens de lire... « Tongue Lash », par Lofficier et Taylor, chez Pointe Noire.

Dave Taylor a manifestement beaucoup d'admiration pour Moebius. Difficile de ne pas voir que le dessin de ce Britannique (qui a publié aux USA) est largement inspiré de celui du maître français de la SF. Ce qui ne l'empêche pas de faire penser à Boucq pour son héros, Lash, qui ressemble comme deux gouttes d'eau à Bouche du Diable, ou à l'univers de Bilal, en ce qui concerne les personnages à tête animale. Bref, ce que Taylor amène de plus personnel dans ce projet semble surtout se résumer au stylisme. C'est vrai que les tenues de sa sensuelle héroïne ne passent pas inaperçues. Là, manifestement, Taylor s'est lâché, même si on peut parfois se demander ce que ça apporte à l'histoire...
L'histoire, eh bien parlons-en. Randy et Jean-Marc Lofficier nous proposent une enquête un rien glauque et souvent tortueuse qui s'achève dans le métatemps. Le tout dans une société maya moderne aux moeurs joliment déliquescentes. Livré au lecteur sans mode d'emploi, leur monde au vocabulaire extrêmement codé n'est pas facile d'accès, mais il a sa cohérence. Scarlett Smulkowski, quant à elle, abandonne sa palette de couleurs habituelle et « fait », elle aussi, du Moebius. Sans doute à la demande des auteurs.
Les nouvelles aventures de Harry par Thierry Bellefroid
« Les nouvelles aventures de Harry ». Par Al Séverin. Chez Several Pictures.

Après nous avoir enchanté avec "Harry sauve le monde", Al Séverin remet le couvert, toujours en auto-édition, mais il choisit un format d'album plus mince. Seize pages luxueusement imprimées sur un papier cartonné et reliées à la main ; du Séverin tout craché. Cet homme-là aime les beaux objets et le noir et blanc qui vit. C'est vrai que même si Harry ne bondit pas aux commandes de l'éclair dans cet épisode très urbain, chaque scène d'action est pour l'auteur un prétexte tout trouvé pour effectuer des figures libres plus acrobatiques les unes que les autres. Séverin est né avec un crayon en bouche, c'est évident, il dessine comme un dieu et on a l'impression que tout le monde s'en fout ! La critique lui reconnaît un talent évident depuis des années. Pourtant, après s'être longuement battu en justice pour récupérer les droits de son héros, ses albums auto-édités n'ont jamais dépassé les mille exemplaires. Pour être exact, signalons que l'auteur a délibérément choisi cette voie et qu'il ne désire pas retrouver le chemin des « écuries officielles » qui lui permettraient cependant de trouver aussi celui du succès en librairie.
Poupées russes (Makabi) par Thierry Bellefroid
« Poupées russes », tome 1 de Makabi. Par Luc Brunschwig et Olivier Neuray. Dans la collection Repérages des éditions Dupuis.

Brunschwig est un fameux tordu, on le savait déjà mais il en fournit ici la preuve évidente. Avec un machiavélisme consommé, il retourne le lecteur à chaque fin de scène. Faites l'expérience. Chaque fois que vous pensez avoir à faire à une situation, vous finissez par vous apercevoir qu'elle n'est pas conforme aux apparences. Exemple : l'excellente scène d'ouverture. Une gosse laisse tomber son nounours par terre en se rendant aux toilettes dans une station d'essence, escortée par un type en noir qui a l'air de tout sauf d'être son papa. Sur le nounours, les mots suivants ont été écrits « Help, it's a kidnapping ». Un scénariste normal, à ce moment de l'histoire, se demanderait comment faire réagir les différents protagonistes pour tirer le meilleur parti de cette situation. Luc Brunschwig, lui, se demande comment faire pour que la situation elle-même surprenne le lecteur et influence les comportements des différents acteurs. Il renverse la situation : les ravisseurs sont flics et la pseudo-kidnappée n'a trouvé que cette technique pour leur fausser compagnie. Tout l'album est construit sur ce schéma. Quand il faut que la jeune femme russe qui a échappé à un réseau de prostitution ait un ange gardien, le scénariste fait appel à un héros qui travaille au FBI... comme chef comptable. A force, on ne peut être qu'admiratif devant cette inventivité. Mais le revers de la médaille est évidemment que le lecteur manque un peu de repères et que lorsque le chef comptable se transforme en justicier sous le nom de Makabi, il se demande d'où vient cette transformation. Brunschwig n'est pas le genre de scénariste à balancer des éléments de scénario au hasard, on peut donc imaginer qu'il a encore un plan démoniaque derrière la tête pour nous expliquer comment le gentil Lloyd Singer devient le super Makabi. En attendant cette explication, on est tout de même très désappointé à la fin de ce premier épisode. Reste une histoire travaillée, intelligente, des personnages fouillés et inattendus, une maîtrise parfaite du découpage.
Un mot, tout de même, du dessin d'Olivier Neuray, dont on a beaucoup aimé les Nuits Blanches (la série qu'il animait sur un scénario de Yann chez Glénat). Son casting est assez réussi, le dessin est fluide, il fait exister les personnages. Mais il n'a peut-être pas la grâce qu'avait « Nuits Blanches ». Cela tient-il au changement de contexte, qui l'amène à traiter une aventure contemporaine ? Possible. En tout cas, il évite un écueil dangereux : celui des scènes « hard » rendues nécessaires par le scénario, et qu'il traite avec ce qu'il faut de pudeur pour ne pas sombrer dans le vulgaire.
Bref, un album qui est comme son titre, composé de poupées russes. A vous de les ouvrir une par une.
« La passagère du Capricorne », tome 1 de la série « El Nino », par Perrissin et Pavlovic. Aux Humanos.

L'une des bonnes surprises de l'été. Scénariste de la « Jeunesse de Barbe-Rouge » et, depuis 99, de la série principale « Barbe-Rouge », Christian Perrissin semble avoir trouvé ici une histoire à sa mesure. Son héroïne est atypique : une infirmière d'origine gitane travaillant pour le CICR. L'histoire est originale, même si l'on peut parfois se poser quelques questions sur le découpage. Perrissin nous balade d'un bout à l'autre du monde, dans une enquête humaine menée par Véra pour retrouver le jumeau qu'elle n'a jamais connu. Le dessin de Pavolvic vise l'efficacité et réussit à donner un charme réel à l'héroïne sans trop tomber dans les clichés esthétiques habituels. Seule ombre au tableau, le personnage du « Cap'tain Bligh », sosie de Steven Seagal (si ce n'est qu'il a la peau moins lisse) qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe. Mais à part ça, ce « Nino » vous fera passer un excellent moment.
« Sangsuc : Le château de Monsieur Sangsuc », par Marc Jailloux. Chez Pointe Noire.

Je l'avoue, la couverture m'a un peu trop fait penser à Bézian pour que je saute de joie à l'idée de lire cet album. Pas parce que je n'aime pas Bézian (ce serait plutôt le contraire) mais parce qu'il est toujours désagréable de voir les influences en transparence lorsqu'on regarde le travail d'un dessinateur. Pourtant, ce serait faire un mauvais procès à Marc Jailloux que de l'accuser d'avoir tout pompé chez son aîné. Sangsuc est un très bon album -qui plus est, il s'agit d'un premier album. On y trouve un graphisme et des couleurs qui, pour être un rien influencés, donc, n'en sont pas moins efficaces. On y trouve surtout une histoire fantastique qui rappellera forcément « L'ombre du Corbeau » de Comès sans pour autant non plus en être le simple plagiat. Jailloux maîtrise parfaitement la narration et installe son climat de tension en jouant à la fois sur les expressions de ses personnages et sur les éléments de décor les plus oppressants. Sans doute gagnera-t-il à moins jouer sur les déformations au grand angle à l'avenir. En attendant, son scénario est d'un rythme idéal et entraîne le lecteur sans difficulté aucune vers un dénouement original. Les pages muettes sont très réussies, bien découpées, esthétiques. Rien à dire, un auteur complet qu'on prendra plaisir à retrouver.
« Fricassée de fripouilles à la Gargantua », tome 2 des truculentes aventures de Rabelais. Par Mitton et Rodrigue. Chez Hors Collection.

Peut-être bien que Rabelais et de Vinci se retourneraient dans leur tombe en découvrant ce qu'ils sont devenus sous la plume de Mitton. Mais peut-être qu'ils préféreraient en rire... Il faut dire que le trait est gros, très gros et la farce abondamment fournie. Loin de la biographie -même romancée- ce deuxième opus des aventures de Rabelais nous emmène dans une ambiance qui n'est pas loin de rappeler par sa rondeur le Domino de Chéret et Van Hamme. Polissonne, rabelaisienne évidemment, cette BD ne se soucie que de très peu de vérité historique. Dans un joyeux délire, elle nous permet de contempler le faciès changeant de la Joconde au gré des aventures loufoques de son créateur. Rabelais y apparaît comme un vrai héros de BD, celui qui sauve tout le monde et brave le danger. Mais aussi, bien sûr, comme un jouisseur. Sans être friand de ce genre d'humour à la grosse louche, je dois reconnaître que les auteurs sont à l'aise dans le créneau qu'ils se sont choisis.
Les derniers seigneurs (Bushido) par Thierry Bellefroid
« Les derniers seigneurs », tome 1 de Bushido. Par Michel Koeniguer. Chez Pointe Noire.

Pour un premier album, Koeniguer s'en tire vraiment très bien. Son graphisme est d'une grande clarté, les scènes d'action ne manquent pas de punch, bref, c'est propre et musclé. Quant au scénario, il est loin d'être inintéressant. Un tueur à gages apprenant qu'il est atteint d'un cancer s'apprête à changer de vie. Et comme ce tueur à gages est à cheval sur deux cultures -l'asiatique et l'américaine- il choisit de partir à la recherche de ses racines, au Japon. Koeniguer nous promène sur la ligne du temps. On est à la fois dans l'action -et un dernier contrat aux conséquences inattendues pour le héros- et dans le flash-back qui vient compléter les blancs en montrant le chemin parcouru depuis l'enfance. C'est intelligemment raconté et l'étoffe du héros principal le rend intéressant car elle évite d'en faire un héros à l'américaine. Koeniguer n'évitera pas la comparaison avec « Le Tueur » de Jacamon et Matz. Mais il a bien fait d'aller au bout de son projet malgré l'existence d'une autre série. Bushido pourrait devenir un des titres phares des éditions Pointe Noire si Michel Koeniguer négocie bien la suite de son histoire et prend encore un peu d'assurance dans le dessin.
« Carnet de bord, 22-28 janvier 2002 et 17-27 février 2002, par Lewis Trondheim, à L'Association.

Et voici déjà la deuxième livraison de carnets de bord de Lewis Trondheim, toujours garanti sans correction et sans crayonné. Mais surtout, toujours aussi drôle. Trondheim se livre sans fausse pudeur, avec une lucidité qui confine parfois au cynisme. Il n'épargne pas toujours les autres non plus, mais c'est fait avec suffisamment d'humour pour ne vexer personne. Joann Sfar aura sans doute beaucoup ri en revoyant les aventures de sa gastro d'avant Angoulême fixées sur papier pour l'éternité.
Dans le premier récit, Lewis nous raconte « son » festival d'Angoulême. C'est forcément décalé, avec des anecdotes truculentes (comme le mode d'emploi de la téléportation qui lui évite de subir la conversation des emmerdeurs postillonnants) et des petits coups de griffe joliment décochés par ce timide paranoïaque, comme il se définit lui-même. Le second récit, moins drôle au début mais très vite irrésistible lui aussi, nous emmène aux sports d'hiver où Lewis s'essaie au Club Med, seul en compagnie de ses enfants. Il nous livre ses angoisses de père, ses coups de gueule inévitables (« je hais les surfeurs ») et ses petits tracas au quotidien. Tout cela est d'une fraîcheur, d'une spontanéité et d'un détachement que seuls les gens qui ne se prennent pas au sérieux peuvent arriver à atteindre.
Enfer (Paradis Perdu) par Thierry Bellefroid
« Enfer », tome 1 de Paradis perdu, série de Ange et Varanda. Chez Soleil.

Alberto Varanda a abandonné le dessin de Bloodline, la série qu'il avait créé chez Vents d'Ouest sur scénario de Ange. Mais il se lance en revanche dans une nouvelle aventure avec le même duo de scénaristes chez Soleil. Cette nouvelle série, « Paradis perdu », permet au dessinateur d'origine portugaise de créer un univers plus fantastique, débarrassé des contraintes du réalisme, puisque l'histoire est l'occasion d'une plongée dans les enfers. Avec un découpage magistral et un dessin très « Stryges », cet album plante le décor d'une histoire qui s'annonce palpitante, même si sans grande surprise et sans enjeu. Surfant sur la vague des succès du moment, les auteurs nous proposent un album musclé et ultra-maîtrisé mais très peu novateur. Quand c'est aussi bien fait, on s'en contente largement...
Cronos (Zone mortelle) par Thierry Bellefroid
« Cronos », tome 1 de « Zone mortelle », par Mosdi et Vogel. Chez Delcourt.

Une nouveau polar inspiré par la vague des thrillers US. Une enquête à énigme, un serial killer pas banal qui laisse des messages codés et des cadavres mutilés derrière lui. Jusque là, pas de quoi fouetter un chat. On semble glisser légèrement vers le fantastique, mais il est encore trop tôt pour savoir où veut nous emmener au juste le scénariste Thomas Mosdi (dont on connaît le penchant pour les univers fantastiques, justement). David Vogel, qui en est à son coup d'essai, s'en tire sans provoquer d'enthousiasme ni de boutons. On attendra qu'il affine sa patte pour se faire un avis plus circonstancié sur son dessin. Le gros problème de l'album réside sans doute dans le duo peu crédible que forment les deux héros, un flic et une psy aveugle. On imagine mal un enquêteur livrer tous les éléments de l'enquête à une tierce personne -qu'il connaît à peine- et lui téléphoner au beau milieu de la nuit pour avoir son avis sur les derniers indices retrouvés sur le corps d'une des victimes. En outre, même si l'on apprend plus loin dans l'histoire que la cécité de la psychologue en question n'est pas totale, plusieurs de ses comportements laissent le lecteur perplexe ; elle enlève ses lunettes de soleil au cours d'une promenade sur le port, elle se tient le long d'une rambarde au-dessus d'un panorama comme si elle était là pour admirer la vue...
Je suis gland par Thierry Bellefroid
« Je suis gland » , par Lefred-Thouron. Chez Fluide.

En voilà un qui n'a pas de problèmes de repérages. Jetez un oeil à la couverture et demandez-vous combien de temps il a fallu à Lefred-Thouron pour reconstituer cette scène avec tant d'exactitude...
Eh bien oui, Lefred-Thouron est un enfant naturel de Reiser et Wolinski, il ne perd pas son temps à dessiner des décors, ni même à tenter de donner un aspect réaliste à ses personnages. Entre BD et dessin de presse, son petit monde ne souffre pas de ses airs de brouillon. Le dynamisme du trait et sa spontanéité balaient les imperfections et concentrent l'oeil du lecteur sur les phylactères. Et là, il faut le dire, Lefred-Thouron fait mouche. Savoureux comme le gag de couverture (un homme regarde la peau pendre sous ses bras et s'exclame : « bon sang ! J'attrape du bide sous les bras... »), ce florilège de glandeurs en tout genre vous fera passer un bon moment et, qui sait, vous permettra de retrouver l'un de vos amis au détour d'une page.
« Capturez un Marsupilami ! », tome 0 de Marsupilami, par Franquin, chez Marsu Production.

Pour célébrer le cinquantième anniversaire de la naissance du Marsupilami, l'éditeur actuel des aventures du sympathique marsupial est allé à la recherche des planches de Franquin. Certaines sont connues, on en trouve notamment plusieurs à la suite de « Tembo Tabou », album de Spirou et Fantasio paru chez Dupuis. D'autres le sont moins, mais elles sont généralement les moins intéressantes. En reprenant le matériel disponible dans sa meilleure version, parfois auprès de collectionneurs, l'éditeur rend hommage au créateur qu'était André Franquin tout en espérant élargir encore son public. Certaines histoires écrites pour le magazine de Spirou ne méritaient peut-être pas une publication en album. On est même étonné du côté « primaire » de quelques gags, mais il faut évidemment se placer dans le contexte et ce qui paraît avoir été mille fois fait aujourd'hui ne l'était évidemment pas à l'époque. Franquin apparaît au travers de ces 46 planches comme un conteur animé de bons sentiments. Mais il est aussi un grand dessinateur qui a su influer à ses créatures un dynamisme et une vie propre rarement égalés. Quant à la nouvelle mise en couleur, elle privilégie des verts plus bleutés, moins purs, notamment dans les scènes de jungle, mais elle respecte dans l'ensemble les tonalités de départ. En conséquence, on admettra que ce « coup commercial » déguisé en hommage (ou était-ce l'inverse ?) ne fait aucun tort à l'oeuvre de Franquin et qu'il devrait ravir plusieurs dizaines de milliers de lecteurs.
Sea, sex & sun par Thierry Bellefroid
« Sea, sex & sun », par Gursel. Chez Joker.

En vacances, on n'a pas toujours envie de se fatiguer les méninges en lisant le dernier roman d'Umberto Eco. Si c'est votre cas, j'ai ce qu'il vous faut, de l'humour 100% brut de pomme. Pas besoin de chercher le sens caché des gags ou les savants jeux de mots se cachant derrière les patronymes des héros, Gursel annonce la couleur dès la couverture. Spécialité incontestée de la maison (Joker est l'éditeur des « déshabillés de Dany » et autres albums coquins), l'humour à connotation gentiment sexuelle est ici cultivé avec art. A la chute des gags, le lecteur préférera la chute de reins des jolies protagonistes le plus souvent très peu vêtues. Ca n'élèvera pas le niveau de la BD, mais la détente est au programme et Gursel parvient à ne jamais tomber dans la vulgarité.
Rien par Thierry Bellefroid
« Rien » de Placid. Aux Requins Marteaux.

Voilà un album qui porte bien son nom : il ne ressemble à rien... de connu. Placid se joue de la bande dessinée comme il se moque de sa première culotte ; il ne respecte rien : ni la perspective, ni les proportions, ni les droites, ni les courbes, ni l'harmonie des couleurs, ni la bienséance, ni le politiquement correct, ni la logique, ni....
Placid nous offre 19 histoires qui sont à la BD off (ou underground) ce que Largo Winch est à la BD grand public. Manifestement impressionné par l'enseignement des cubistes (Picasso en tête), il s'inspire librement de quelques préceptes picturaux pour nous servir une série d'histoires trash, plutôt sous la ceinture qu'au-dessus, parfois même très crues. C'est si déjanté, si original et si visuel qu'on a du mal à ne pas se laisser prendre.
« La pitié des bourreaux », tome 2 de « Bouncer », par Jodorowsky et Boucq. Aux Humanoïdes Associés.

Annoncé comme la huitième merveille du Neuvième Art, le premier tome de Bouncer n'était pas passé inaperçu, mais en avait déçu plus d'un. Le génial dessinateur François Boucq semblait écrasé par la mise en scène du père de L'Incal, disposant de trop peu d'espace pour s'exprimer. L'album laissait sur un sentiment mitigé que ce deuxième tome vient totalement effacer. La saga raconte la suite du destin de trois frères issus des amours d'une prostituée et se disputant « l'héritage » d'un gigantesque diamant volé avec l'aide de leur mère. On s'intéresse plus particulièrement au Bouncer, bien sûr, puisque le manchot videur de tripot donne son titre à la série. On s'intéresse aussi à son neveu, Seth, qui doit accomplir la vengeance de la mort de ses parents, quoi qu'il lui en coûte. Moment clé de l'album, l'initiation de Seth au métier de « flingueur », réalisée par son oncle. Jodo et Boucq réussissent à transformer cet enseignement a priori ennuyeux en véritable page de l'histoire du western : décors et situations y contribuent. Il faut dire que ce deuxième livre, même s'il passe parfois par des chemins un peu trop évidents pour faire se rencontrer les personnages qui ont des comptes à régler, est une pure réussite. Boucq explore toutes les lumières et tous les paysages avec un même talent. Son dessin est d'une maîtrise et d'une nervosité spectaculaires qui trouvent leur aboutissement dans les scènes d'action.
Cavalier seul (Tower) par Thierry Bellefroid
« Cavalier seul », tome 3 de Tower. Par Goethals. Chez Vents d'Ouest.

Voilà un titre prédestiné. La passionnante histoire d'un ex-membre actif de l'IRA rattrapé par son passé est en effet passée des mains du duo de scénaristes Ange à celles du dessinateur de la série, Sébastien Goethals. Faisant « cavalier seul », donc, le jeune dessinateur tente d'imaginer seul la suite de ce palpitant thriller laissé en friche depuis deux ans.
Résumé des épisodes précédents : Tom Cleggan, le héros, est un ancien terroriste qui a fui en Italie avec une partie de l'argent de l'IRA pour refaire sa vie, suite aux divergences d'opinion qu'il avait avec son nouveau chef. Retrouvé par hasard dans les rues de Milan alors que ses amis le croyaient mort, il doit défendre sa fiancée, sa peau et sa liberté en remontant la filière de ceux qui veulent sa mort... et son argent. Car l'IRA ne peut accepter l'idée qu'un traître ait à la fois trahi la cause et piqué dans la caisse. Parallèlement, Cleggan doit faire face à un autre problème : Tower, son nom de guerre, réapparaît dans la presse. En Irlande, quelqu'un signe de son ancien nom une série d'attentats ; la police qui le croyait mort, elle aussi, est donc sur ses traces. Seul contre tous, Cleggan se sort de tous les pièges. Mais à la fin du tome 2, il se fait arrêter par le MI-5, trahi par sa petite amie qui n'a pas pu le suivre dans sa nouvelle vie.
Goethals imagine ici une suite relativement prévisible. Que faire dès lors que Cleggan pourrit en prison ? Le faire s'évader, bien sûr. Et pour rendre la chose plus crédible, l'évasion a lieu avec l'aide des autorités qui ont recruté l'ancien tueur pour accomplir une mission. « Cavalier seul », c'est donc le pacte entre les frères ennemis héréditaires, la trêve pour en finir avec un ennemi supérieur, celui qui a trahi les deux camps, l'ancien chef de Cleggan. De palpitant, Tower est devenu classique. Peu de surprises attendent le lecteur. On se laisse faire, mais sans retrouver le frisson des deux premiers albums. Dommage.
Le privé par Thierry Bellefroid
« Le privé », par Coutelis et Charlier. Chez Casterman.

« L'inédit de Charlier », prévient l'éditeur à l'aide d'un autocollant apposé sur la couverture. Inédit en album s'entend, puisqu'il ne s'agit pas d'un scénario caché, dessiné un peu plus de dix ans après la mort du génial scénariste de Blueberry, mais bien d'une publication en album d'une histoire jadis proposée aux lecteurs de L'Echo des Savanes. Récit policier contemporain, « Le privé » nous emmène à San Francisco, sur les traces du détective Chuck Dougherty, une tête brûlée comme Charlier les aimait. Parti à la recherche de la fille d'un sénateur « mains propres » disparue sans laisser d'adresse mais pas sans laisser d'indices, Chuck se retrouve dans Chinatown aux prises avec une drôle de secte. La vraisemblance n'est pas le principal souci de Charlier dans cette enquête rocambolesque. Coutelis, dessinateur capable d'à peu près tout dessiner, s'acquitte de sa tâche en copiant le style de Giraud et n'y réussit pas mal. En revanche, les couleurs rendent parfois illisibles certains dessins et surtout quelques-uns des textes récitatifs. Un vrai travail de restauration n'eût pas été inutile avant la publication. Une publication dont on peut se demander ce qui l'a motivée. « Le privé » est loin d'être un chef d'oeuvre. Un polar de plus. Fût-il signé par un grand nom aujourd'hui disparu.
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